Immunité, sésame pour notre liberté ?
« Le
meilleur médecin est la Nature, elle guérit les trois quarts des maladies et ne
dit jamais de mal de ses confrères. », Louis Pasteur.
« C'est une
mode, nous disent-ils, reposez-vous et, si vous avez mal à la tête,
prenez du Doliprane. » Cela
fait maintenant plus de deux ans que le monde entier se préoccupe de son
système immunitaire. Avant l'épisode de la Covid-19, seules les personnes
malades ou préoccupées par leur santé se souciaient de leur système
immunitaire. Le corps médical, encore maintenant, lève les yeux au ciel quand
vous leur parlez d'un régime sans gluten et sans laitages.
C'est
à cause de ce type d'attitudes que nous en sommes arrivés là. Un vaccin pour
tout le monde et la quête d'un traitement pour tout le monde : nous sommes
dans le monde du one size fits all, en français « la même taille
pour tout le monde ».
Vous
avez compris que je porte un regard critique voir cynique sur la situation.
Nous avons dédié ce nouveau numéro au système immunitaire afin que vous ayez
des outils pour être mieux armés devant les virus qui nous assaillent et les
infections qui pourraient en découler.
Nous
vivons en permanence en échanges constants avec notre environnement. Chaque
instant nous sommes confrontés à des virus, des bactéries, des micro-organismes
qui cherchent à s'infiltrer dans notre corps. Tant qu'ils sont à l'extérieur de
nous, nous ne craignons rien. Seulement, certains parasites, virus ou corps
étrangers, comme les pollens, peuvent s'avérer dangereux s'ils pénètrent à
l'intérieur de nous. À ce moment-là, notre organisme met en place des mécanismes
de protection et développe une réaction qui vise à protéger son intégrité en
éliminant ou en neutralisant l'envahisseur.
Ce
système de défense associe des cellules et des protéines dont le rôle est de
maintenir l'intégrité de l'organisme. Certaines sont innées et d'autres sont
acquises au cours de la vie.
« Immunité »
vient du mot latin « immunis », qui signifie « libre » !
D'ailleurs, les sénateurs romains bénéficiaient de l'immunitas,
c'est-à-dire la liberté de parole et la protection contre les poursuites. Pour
nous l'immunité veut dire que l'organisme est libre de toute atteinte par un
agent pathogène.
Ce
système immunitaire a un double rôle, il est à la fois un système de défense
nous protégeant contre des agents extérieurs comme les microbes, mais il élimine
également certains déchets de l'organisme et joue un rôle fondamental dans la
cicatrisation, réparation et destruction des cellules de notre organisme qui
auraient dégénéré, comme les cellules cancéreuses.
« Notre
système immunitaire, nous dit Lluis Quintana Murci, généticien,
professeur au Collège de France qui dirige l'unité génétique évolutive humaine
à l'Institut Pasteur, est le résultat d'au moins 60 000 ans de
métissages : des variants immunitaires bénéfiques ont parfois été acquis
par croisement avec des humains archaïques, puis ont continué à être assimilés
par métissage entre différentes populations d'humains modernes. Mais ce qui a
été bénéfique dans le passé ne l'est pas nécessairement aujourd'hui, et ne le
sera pas demain, car les modes de vie des populations humaines changent ainsi
que leur environnement. L'adaptation aux agents pathogènes peut, en effet,
entraîner des dommages collatéraux dans certains cas.
Jean-François
Bach, académicien et immunologiste à l'hôpital Necker, nous révèle que « l'augmentation
actuelle de l'incidence des troubles immunitaires semble être concomitante avec
la “stérilisation” croissante des sociétés modernes au cours du XXe
siècle en raison de l'arrivée des antibiotiques et des vaccins... ».
Ainsi,
ces scientifiques s'interrogent sur plusieurs sujets.
Qu'est-ce
qu'une réponse immunitaire saine ? Pouvons-nous définir les paramètres qui
caractérisent une réponse immunitaire saine afin d'identifier les seuils à
partir desquels une défaillance du système immunitaire conduit à une pathologie ?
Quels sont les facteurs qui contribuent à la diversité du système immunitaire
chez l'être humain ?
Et,
enfin, pouvons-nous prédire la façon dont les individus vont répondre à
l'infection ou un traitement thérapeutique afin de nous servir de ces
informations pour dresser les bases d'une médecine de précision qui permettrait
de soigner mieux et plus efficacement ?
Leurs
discussions ont conduit au projet « Milieu Intérieur » initié en 2011.
Ce projet réunit l'expertise multidisciplinaire de chercheurs dans le domaine de
l'immunologie, de l'infectiologie, de la microbiologie, de la virologie, de la
génétique humaine, de la bio-informatique, de la statistique et de la biologie
évolutive et systémique.
Leur
but est d'élucider les facteurs environnementaux héréditaires qui façonnent le
système immunitaire dans la population en bonne santé.
Ils
en ont déduit, outre la diversité génétique des sujets étudiés, que la
diversité épigénétique de l'hôte, c'est-à-dire son mode de vie, son alimentation,
son environnement, et les variations au sein du microbiote intestinal avait
également une incidence sur les phénomènes immunitaires.
Ainsi,
ils ont compris que l'âge, le sexe, le régime nutritionnel, les infections
virales chroniques et même le statut social étaient la clé pour connaître les
paramètres qui contribuent à transformer une réponse immunitaire saine en
réponse pathologique.
Je
trouve ces études très encourageantes car elles vont entraîner l'émergence
d'une médecine de précision qui tiendra enfin compte de la spécificité
de la réponse immunitaire de chaque individu.
Espérons
que les stratégies de santé publique sauront tirer profit de ces récents
progrès scientifiques !
Marion Kaplan